Je tiens à témoigner du soutien que m’a apporté l’association ADMD. Mon père était souffrant et dans un état physique et mental de grande dégénérescence. Cela durait depuis plusieurs années et son état avait amplement empiré depuis janvier 2008. Je n’ai jamais pu obtenir de l’aide ni du soutien de la part de son médecin de famille qui me disait qu’elle ne pouvait pas intervenir « sans sa demande expresse », ne fût-ce que pour le faire hospitaliser et soigner comme il convenait.
Je résume la situation et j’en viens aux derniers mois de sa vie où il n’était plus que l’ombre d’un humain. Forcément, à ce stade, il fut hospitalisé, d’abord en maison de repos, puis en milieu hospitalier. Là, j’ai vu qu’on lui administrait test après test, scanners, résonances magnétiques et toutes sortes d’examens, complètement inutiles. Il était clair que cet homme était en fin de parcours. D’ailleurs, à plusieurs reprises, lorsqu’il parvenait à articuler une parole compréhensible, il disait : « Allez, ouste… je veux partir… ».
J’en ai parlé au personnel de soins qui me répétait inlassablement qu’il allait récupérer, qu’il était normal qu’il soit découragé, etc., qu’on lui parlerait quand « il irait mieux », qu’il fallait rester à son écoute, etc.
Or, à 80 % du temps, mon père délirait et sa condition végétative était particulièrement douloureuse à voir pour ses proches, et à percevoir pour lui-même, dans les rares moments où il en semblait conscient.
Désespérée, j’ai fini par téléphoner à votre association où j’ai été reçue avec une amabilité extrême, trouvant enfin le réconfort humain qu’on espère trouver en pareille circonstance et que je n’avais pas trouvé dans les milieux médicaux. Une recherche fut faite et l’affiliation de mon père fut trouvée. J’en ai été extrêmement soulagée.
J’ai donc demandé son transfert dans une institution hospitalière laïque, n’ayant plus confiance dans les institutions chrétiennes où il avait séjourné par le hasard des contacts avec la maison de repos où il fut brièvement placé par son médecin traitant.
J’ai clairement explicité, votre document en mains comme preuve, la volonté que mon père avait exprimée de ne pas subir d’acharnement thérapeutique et mon désir qu’on le soulage et qu’on le laisse mourir en paix, sans la flopée d’examens divers, coûteux et totalement inutiles qu’on lui faisait subir.
Après une demi-journée d’examen, je me suis fait traiter comme un chien par le médecin en charge qui m’a dit que mon père « allait très bien », qu’il remarcherait dans une quinzaine et qu’il rentrerait chez lui. Effectivement, ce jour-là, mon père avait eu sa dernière « rémission » et semblait avoir retrouvé sa lucidité.
J’étais scandalisée et désespérée.
La rechute fut rapide. Deux jours plus tard, il était retombé à l’état végétatif, incapable de parler.
Deux semaines après, il s’est éteint… et je pense que le médecin s’était rendu à l’évidence et n’avait plus rien tenté sinon assurer les soins palliatifs.
Mon mari et moi envisageons sérieusement de nous affilier à votre association. Mais nous nous posons des questions sur la valeur d’une déclaration anticipée de volonté, face à la folie d’acharnement thérapeutique des médecins. Y a-t-il moyen de demander à l’avance, par écrit, l’euthanasie volontaire en cas de perte totale d’autonomie physique et quasi totale de capacité de communication ? Tant qu’on peut articuler clairement sa volonté d’en finir, je me sentirais protégée… mais si l’accès à la parole devait venir à me manquer ?
Après avoir été témoin d’une telle dégénérescence, j’hésiterais beaucoup à me faire soigner si je devais apprendre que je souffrais d’une maladie grave. Je préférerais mourir 20 ans plus tôt que d’approcher, même de loin, un tel état de « non-humain ».
« Mourir dans la dignité », n’est pas une simple expression, c’est un acte pour moi aussi important que la façon dont on vit sa vie.
Ma mère est morte dans la plus grande dignité à 76 ans.
Mon beau-fils est mort dans une extrême dignité, d’un cancer fulgurant, à 21 ans.
Mon père est mort à 81 ans dans la plus grande indignité, dans une sous-humanité qui me laisse encore hébétée, sans écoute médicale jusqu’à ce que je produise sa lettre d’affiliation à votre association où il affirmait vouloir « mourir dans la dignité ». C’était trop tard pour lui. Mais au moins, « ils » ont fini par arrêter de le prolonger.
Voilà mon témoignage. Je ne sais pas s’il vous sera utile. Veuillez en tout cas transmettre mes remerciements à tous vos collaborateurs. Mon bref contact avec votre association fut le seul moment humain dans l’accompagnement de la fin de vie apocalyptique de mon père.
C. S., mars 2009