Témoignages

Au revoir Francine

Ta décision de partir ce 8 octobre ne fut pas facile à prendre.

Nous en avons souvent parlé.

Il y avait tes enfants, tes petits-enfants et tes amis, tant de personnes que tu chérissais et qui t’aimaient en retour.

Comment en pourrait-il être autrement, tu n’étais que douceur, gentillesse, discrétion et écoute de l’autre.

C’est le souvenir que tu laisseras auprès de toutes celles et ceux qui t’ont côtoyée à l’ADMD.

Pour certains parmi nous, il y a ce petit quelque chose en plus, de plus personnel: pour Elisabeth, ce sera le parfum de la fleur d’oranger, pour Marc, ta super gentillesse, pour Nathalie les bons repas que tu préparais pour tes petits-enfants pendant leurs examens, pour moi ton amitié et ta salade liégeoise.

Comme tu étais belle, ce samedi, lorsqu’Elisabeth et moi sommes venues te dire au revoir, sereine enfin, face à la décision prise.

Tes cheveux d’un blanc lumineux encadraient ton visage souriant et détendu, comme je regrette de ne pas avoir pensé à le fixer sur la pellicule.

Tu resteras dans nos cœurs, chère Francine.

Bon voyage.

Paule Roelants
octobre 2024

La Fin du chemin

A la mémoire de l’Autre, qui un jour a décidé sereinement et en paix d’échanger son costume baigné de douleurs contre le smoking sublime de la dignité, afin de prendre place dans le train vers son orient éternel.

À Noëla

 

La fin du chemin approche,

À chaque jour que je coche,

C’est une fin en soi

Qui se rapproche de moi.

Une inévitable décision

Dont je me dénude, je fais ici confession

Passé du rêve à la réalité

Que j’avais avec espoir tant redoutée

Finir ces douleurs qui sont miennes.

Je vais maintenant apaiser ma coquille

Et conclure là, abrégeant mes souffrances en vrille.

La sortie de cette pénible prison

Qu’est mon corps sans joie, envie ni saisons

Moi, l’ÊTRE humain, martyr exsangue,

Captif de mon univers qui tangue.

Que mon passage vers mon orient éternel, ma mort soit douce

Est le vœu qui me pousse.

Je ne demande nulle charité, nulle absolution

Mais juste respect, une lueur d’empathie, un grain de compassion

Après, ce qui adviendra de moi

Se situe en Justice dans la dignité de la Loi

L’ENFER, croyez-moi, n’est pas après

Je l’ai vécu avant, dedans et de près

Qu’importe le Jugement des Hommes

Puisque je ne suis de moi déjà qu’un Fantôme.

 

Ali
Samedi 5 octobre 2024
Symposium – CHR de la Haute Senne
Écaussines

Mimi Contesse

A l’occasion d’un événement organisé à la Sorbonne par notre association-sœur, l’ADMD France, J’ai fait la connaissance de Mimi-Contesse. Elle m’a charmée par sa voix. Et pourtant, ce qu’elle avait à me dire ne relevait pas d’un conte enchanteur. Elle a donc entamé son chemin pour obtenir l’euthanasie en Belgique. La veille de son euthanasie, j’ai devisé longuement avec elle dans un café ucclois. Je dis bien deviser car elle était sereine et me racontait sa vie digne d’un roman policier avec beaucoup d’humour. Elle avait tout organisé, même une rencontre de ses amis, un jour de novembre à Paris. Je vous raconterai. Mais voici sa lettre qu’elle m’a envoyée, déclinant gentiment ma proposition qu’elle puisse faire une dernière halte chez moi avant le grand voyage.

Jacqueline Herremans

 

Lorsque j’ai écouté votre proposition…

J’ai été extrêmement touchée, émue même. Ce n‘est pas une brindille : proposer le cadre de son lieu privé pour m’offrir de la douceur et de la paix lors de mon dernier mot. Quel cadeau somptueux.

Mais je ne partirai pas tranquille si…j’avais abusé de votre bienveillance et que certains soirs l’idée de la mort traîne encore dans votre salon. Mais je ne partirai pas tranquille si je sacrifiai mon confort à ma détermination

Je me dois de faire face une dernière fois à mes blessures, aux monstres qui me hantent encore parfois. Je me dois de faire face au mot Hôpital et une dernière fois le regarder en face. Ah monstre, je n’ai plus peur de toi, je vais te défier une dernière fois. Je me dois… par respect pour vous, par respect pour moi.

Et aussi, parce que je veux redire que j’ai trouvé en Belgique l’humanité et la légalité que je souhaitais. Je vais pouvoir terminer ma vie dans la loi, debout, souriante et digne.

La Belgique met dans le même service dans les mêmes locaux les soins palliatifs et le soin ultime, laissant entendre qu’ils sont juste le choix de chaque humain adulte et responsable de lui-même, laissant entendre que la loi protège ce choix.

Alors, je voudrai que ceux et celle qui m’accompagneront le jour de ma dernière révérence sachent que mon choix est aussi un rêve que je fais pour mes proches et mon pays. Un rêve qui évoque… la musique de Bach jouée par Rostropovitch qui aidait le mur de Berlin à tomber.

Pourrait encore à ce jour aider à tomber en poussière un autre mur ? Le mur qui sépare ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n’y croyaient pas… Ceux qui préfèrent attendre et ceux qui souhaitent finir plus vite

La loi belge m’a rendue la responsabilité de ma personne, ma citoyenneté et a pris en compte ma souffrance avec humanité. La loi belge m’a rendu justice

Je vais pouvoir mourir dans la dignité, souriante et debout… Tout est en ordre

Mimi Contesse